jeudi 27 août 2009

Je quitte l'auberge de jeunesse après y avoir passé un peu plus d'un mois.

J'aménage sur un voilier nommé Altaïr avec Antoine (il travaille juster à côté du manège, dans une autre attraction pour mioches). On reste au port Moselle 3 ou 4 jours, fin Juin, ensuite, on doit amener le voilier au mouillage (zone intermédiaire entre le port et le large). Ca bouge un peu, c'est agréable, ça berce pour le sommeil. A bord y a tout le confort: gaz, eau, lits, banquettes, table,... manque juste les chiottes, alors on fait comme tout le monde, directement à la mer.
On a essuyé une tempête de vents ensemble et j'en ai subi une où j'étais seul à bord... Vents à 50 noeuds, plein Ouest, donc les vents venaient directement du large, les vagues venaient jusqu'au mouillage et venaient s'écraser contre les berges, ça tanguait dans tous les sens, le vent sifflait et s'engouffrait dans les ouvertures, le bateau craquait, gueulait, le mât craquait... J'apprends que je suis qu'un marin d'eau douce, j'étais à la limite de la gerbe ou du moins, j'avais les dents du fond qui baignaient. Le trajet du port au mouillage se faisaient, quand Antoine était là, avec une annexe à moteur, à deux dessus on était plus stables, mais on rentrait mouillés au mouillage, on se prenait les vagues en pleine gueule, le vent aussi. Tout seul c'était pareil sauf que j'étais à la rame, et j'ai ramé, ramé, ramé.

On reste a peu près un mois au mouillage. Vers le 10 Août, Altaïr sort de l'eau pour se refaire une santé. Boucher les fuites et rénover la coque. On est quelques jours au carénage à Nouville. Je décide de partir du voilier parce qu'à l'intérieur c'est trop le bordel et les travaux commencent trop tôt à mon goût le matin.

Je repars deux nuits à l'auberge, puis je pars avec mon patron et son beauf à Bourail (capitale de la Brousse et fief des Caldoches et des cow boys et des rodéos...) La Foire dure 3 jours, où, pour finir mon contrat, le patron m'offre un week end interminable avec des journées de 12h, et le Dimanche, 20h de taff: journéé normale, puis démontage de toutes ses petites attractions, pliage,... puis démontage du manège, puis retour à Nouméa dans la nuit sur une route défoncée à 2h du matin.

Puis enfin vacances, plus de manèges, plus de bateau, retour à la tente et au réchaud.

Pour commencer Ouvéa, dans les îles Loyautés, un de plus beaux atolls du Pacifique, mais qui en fait n'est pas réellement un atoll.
Pour y aller, le moyen le plus économe est le cargo: le Havanna. 1 jour et 2 nuits de navigation pour arriver au Paradis. Avec mon vélo comme moyen de locomotion. Au départ je voulais aller en tribu, mais trop d'appréhension, donc je vais au camping de Lékine, et finalement, je n'ai pas eu tord. L'île fait une cinquantaine de km du Sud au Nord et quelques mètres par endroits d'Ouest en Est. Elle est prolongée au Sud et au Nord par des petits îlots, les Pléiades du Sud et donc du Nord, qui ferment plus ou moins l'île. Ouvéa à vélo est très facile, c'est tout plat puis y a tantôt l'intérieur du lagon, tantôt l'Océan avec sa barrière, tantôt des cocotiers et autres palmiers et cases. Il fait beau tout le long de la semaine, comme au printemps en métropole, puis les oiseaux chantent, les papillons papillent,... J'ai aussi eu le privilège de voir une perruche endémique à l'île, celle d'Ouvéa. Puis aussi des tortues énormes, des raies de toutes sortes, des requins, et pleins d'autres poissons.

On ne peut pas parler d'Ouvéa sans parler de l'Histoire récente de l'île. La période de 1984 à 1988, qualifiée d'"événements", se termine par un coup de force des indépendantistes. Quelques uns prennent des gendarmes en otage à la gendarmerie de l'île (Fayaoué), en tuent 4. puis se séparent en deux groupes. Un groupe part au Sud de l'île avec quelques gendarmes otages, mais sont rapidement libérés grâce à la sagesse des chefs tribaux de cette partie de l'île. Un autre groupe part au Nord et se réfugient dans une grotte taboue, à Gossanah, avec une dizaine de gendarmes otages. Cette prise d'otage se déroule entre les deux tours des élections présidentielles de Mai 88. La prise d'otage dure quelques jours avant que Chirac, Mitterand, et d'autres donnent leur accord pour lancer une intervention militaire. L'élite de l'élite de l'armée française y est envoyée. Bilan 19 terroristes/combattants morts/assassinés. Car la vérité est sombre sur la manière dans laquelle les indépendantistes sont morts. Mitterand élu, Rocard Premier Ministre, il signe les Accords de Matignon en 1988, les deux parties, Loyalistes et Indépendantistes se mettent d'accord, Lafleur et Djibaou se serrent la main. La paix, enfin. Les Calédoniens vont pouvoir vivre ensemble? Erreur. Un an jour pour jour après la prise d'otage de la grotte de Gossanah, un Kanak tire sur Djibaou et Yewene Yewene, les tue avant qu'un policier Kanak le tue à son tour. L'illusion à duré peu de temps. Les Accords de Matignon prévoyaient un référendum sur l'indépendance en 1998, mais cette année là est celle d'un nouvel Accord, celui de Nouméa signé par Jospin et lui diffère le référendum à 2014. En attendant certaines choses doivent être déléguées au nouveau gouvernement Calédonien...

Si le pays Kanak n'avait pas de nickel, n'avait pas une étendue marine aussi grande et surtout s' il n'était pas une base militaire française stratégique dans le Pacifique, alors ça ferait belle lurette que la Kanaky serait indépendante, comme le voisin Vanuatu.

On sent le pays divisé, or l'indépendance doit être totale, des régions ne peuvent pas rester françaises alors que d'autres le seront plus. Risque de nouvelle guerre civile. Et j'ai senti que ça pouvait dégénérer d'un moment à un autre. Y a eu des caillassages de voiture, des occupants blessés, des gendarmes pris pour cible par des armes: fusil de chasse, lance-pierres,... La jeunesse perdue qui s'y emmêle, car quand on n'a plus de repères, on est en colère contre n'importe quoi et surtout les institutions et le Blanc aussi, qui vient piller leur pays. La grève générale qui a duré 2 semaines et qui a tout bloqué est partie de rien, puis le leader du syndicat indépendantiste (Gérard Jodar, chef de l'USTKE: Union Syndicale des Travailleurs Kanaks et Exploités) a été condamné à la prison, pour entrave à la circulation d'aéronef, alors que lui et ses camarades essayer de se protéger des lacrymos des flics en se cachant dans des avions! Elle est partie de manifs pour réintégrer une femme d'Aircal (compagnie aérienne intérieure) virée pour révélation de secret professionnels, grève à Aircal où Jodar se fait piéger et se retrouve en taule ou plutôt au bagne, puis grèves générales pendant 2 semaines pour exiger la libération de Jodar et de ses Camarades. En vain puisqu'aux manifs pacifistes, les hommes en caoutcouc répondent par des lacrymos. Visite de la secrétaire d'Etat à l'Outre Mer fin juillet, à la place de Sarko, qui n'a pas osé venir au risque d'y rester, une balle entre les deux yeux. Puis visite de Kouchner, la ville est bloquée par les flics, les manifestants continuent leur combat en brousse et aux alentours de Nouméa... Finalement des accords sont trouvés entre l'USTKE et Aircal, mais Jodar reste en prison. Le pays redevient "calme", mais pour combien de temps?

Bref, la situation ici est hyper compliquée, je pourrais en parler pendant des pages, mais je crois que mon propos est décousu et dans le désordre. Donc je m'arrête là.

dimanche 21 juin 2009

Bienvenue en Nouvelle-Calédonie

J’arrive en Nouvelle-Calédonie le 21 Mai, où j’ai rencontré une Caldoche (Blanche née en Kanakie), qui m’a un peu parlé du pays. Je m’installe à l’auberge de jeunesse, sur une des collines surplombant Nouméa, le seul endroit abordable pour dormir. Il fait mauvais temps pendant 3 ou 4 jours, c’est la Pentecôte, tout est fermé, même l’hôpital !! Je commencerai mes démarches pour trouver du boulot le lundi. Vendredi, première soirée dans un bar « Blanc » où y a un concert ska, raggae…

Le lendemain, voulant retirer des sous, je me retrouve sans carte bancaire, avec seulement 1000CFP en poche (à peu près 8 euros). Mon père m’envoie des sous. Je vais devoir attendre une semaine pour savoir si ma carte est retournée en France ou est restée à Nouméa. Finalement, une semaine après, j’ai pu la retrouver, ouf, sauvé… Pendant ce temps, je fais les hôpitaux, les cliniques, les maisons de retraite, les boîtes d’intérim, rien, sauf une mission pour poser des pubs sur les pare-brises des voitures… Sinon, avec un pote de l’auberge, on va à la pêche, ou à la plage faire un peu de snorkeling.

La ville de Nouméa est la plus grande ville de Calédonie, 100 ou 150 000 habitants alors que la Calédonie en a que 250 000. C’est donc une ville multiethnique (il y a une trentaine de langues Kanaks en Nouvelle-Calédonie), des Kanaks donc, des Wallisiens, des Futuanais, des Vanuatais, des Polynésiens, des Chinois, des Caldoches et des Z’oreilles (moi).

A Nouméa, donc, la vie est très chère, un appart est au moins 500E pour une coloc, sinon, tout seul c’est 1000E, les voitures d’occaz les plus merdiques sont à 3000E,… tout est cher, même la bouffe, quand il y en a. Parce que la Nouvelle-Calédonie est rongée par des grèves générales à répétition depuis deux ans maintenant. Pourquoi, je sais pas trop. Un jour, je vais faire mes courses au Champion, en tant normal, y a pas grand chose, comme dans les magasins Soviétiques, mais là, rien, même plus de riz !!

Sinon, sa population est très accueillante, tout le monde te dit « bonjour », tout le monde est cousin aussi !!,… Mais aussi, y un gros problème d’exclusion, de xénophobie, de malaise dans certains endroits et plus particulièrement la nuit. A partir de 5h, quand le soleil se couche, les rues se vident et les endroits d’habitude si chaleureux deviennent mal famés, je deviens « spectateur du désespoir ». Les gens sont alcoolisés, deviennent agressifs, violents,… Pour cela, pour « éviter » le problème, la vente d’alcool est interdite à partir de 16h… mais des espèces de bottle shop parallèle se sont installés dans les « bidonvilles » aux alentours de Nouméa !

Quoi qu’il en soit, il existe un mal-être, les gens se mélangent pas ou peu. Nous non, on va aux Nakamals (espèce de café tout sombre)où les gens boivent des kavas (extrait de racine de poivrier) dans des selles (petit bol). C’est dégueulasse, mais ça détend et anesthésie un petit moment la langue et la bouche !!
On va dans les cafés, les boîtes remplies de Kanaks, ils y passent du raggae tout le temps. On n’a jamais eu d’embrouilles, au contraire, que de supers rencontres… Ils nous expliquent la vie d’ici, on leur parle un peu de la vie en métropole.
Mais ici, il y a un manque de formation des cadres, des « hauts gradés » en général, ce qui fait que le pays est totalement « dirigé » par les Blancs, venus ou revenus de métropole pour leurs études.

J’ai trouvé du boulot comme forain dans un manège pour enfants, le jeudi 13 Juin à côté du marché de Nouméa, je bosse 6 jours par semaine avec le Lundi de repos et un week end par mois. Je bosse de 15h jusqu’à ce qu’il y ait plus d’enfants, c’est à dire entre 21h30 et 23h. Tout ça pour 150 000CFP brut par mois, donc une misère pour vivre ici. Pour trouver un logement, c’est la merde parce que je travaille en centre-ville et que les bus circulent plus à partir de 19h. Ca me bloque plein de possibilités, je vais pas acheter une voiture, et un vélo d’occasion coûte 30 000CFP. Donc je suis toujours à l’auberge où ils m’ont fait comprendre que je ne pouvais pas rester plus longtemps que la fin du mois de Juin.

Sinon ce week end (le 20 et 21 Juin), on est parti avec Séb et Samy (qui a acheté une caisse) dans la brousse. On a fait à peu près le tour. Le soir on a voulu aller dormir dans une tribu, mais la route était bloquée à cause d’un éboulement et il était trop tard apparemment. Donc on est allé vers un camping gratuit, au passage on s’arrête dans un Nakamal perdu au milieu de nulle part… On va boire un kava et on demande si on peut rester et manger. Le gars (un Indonésien) nous dit que non. On commence à repartir, et un Kanak nous dit de rester et de manger avec eux. Cool. Ils avaient fait des grillades. On avait un peu de vin, on a tout partagé. On a passé toute la soirée avec eux, ils nous ont montré de nouveaux trucs comme les « amuses gueules » : whisky-vin, un véritable tord boyaux, vraiment dégueulasse. On a dormi dans le Nakamal. Le matin on se réveille et on voit le décor qu’on avait pas vu la veille à cause de la nuit. C’était vraiment magnifique : des montagnes vertes partout et au loin le lagon.

La brousse n’a rien à voir avec Nouméa : la brousse est restée authentique alors que Nouméa est devenue une métropole occidentale avec toutes ses dérives. Là-bas, les gens sont encore plus gentils, y a peu de magasins et presque tous les gens vivent en tribu, en autonomie. Mais les temps changent, les jeunes partent au lycée à Nouméa et apprennent les mauvaises manières et ne reviennent pas souvent en brousse au sein de la tribu.

Retour à Nouméa et la routine reprend

Ce ne sont que des impressions, ce n’est peut-être pas la réalité de la Calédonie, mais c’est ce que je ressents pour l’instant…

Je vais travailler à peu près deux mois ensuite, je partirai à la découverte de la Kanakie profonde, de ses gens, partirai voir deux de ses îles : l’île des Pins, tout au Sud (« l’ile la plus proche du Paradis ») et Ouvéa, parmi les îles Loyautés, à l’Est du Caillou (autre nom de la Kanakie)

Ensuite sûrement le Vanuatu, qui est comme la Calédonie, mais plus authentique, et qui possède le volcan actif le plus accessible au monde.

Plus qu’un mois et demi à tenir et l’aventure recommencera